Qu'en est-il de la paille de blé comme source de fibres pour la fabrication de papier

28 mai 2025 par
Marleen Calcoen

Chers lecteurs,

Une récente étude menée par Hagel & Schütt (2024) a donné lieu à une conversation stimulante entre Willem van Veen (WvV), représentant inDUfed, et Leo Goeyens (LG), IBE-BVI Group. Leurs questions ont servi de point de départ à une discussion approfondie qui a abouti à la rédaction de cet article.

Plusieurs questions émanant de la part de LG ont trouvé réponse grâce aux explications fournies par WvV. Leurs points de vue divergents ont été notés ; ils vous souhaitent une bonne lecture.

Une définition claire de l'emballage pour commencer !

L’emballage d’un produit ne consiste pas seulement à le ranger dans une boîte ou à l’envelopper dans un film plastique. L'emballage a plusieurs fonctions, notamment :

- la protection : un emballage doit protéger le produit emballé pendant la manipulation, le stockage et le transport ;

- l'identification : l'emballage permet d'identifier le produit emballé, sa marque, son contenu, ses propriétés et divers autres détails, car il s'agit en grande partie d'informations obligatoires qui doivent être communiquées ;

- la commodité : l'emballage doit faciliter la manipulation, le stockage et l'utilisation du produit emballé par les consommateurs (par exemple, les boîtes spéciales qui nous permettent d'étaler la bonne quantité de copeaux de chocolat sur notre tartine) ;

-- l'attractivité : l'emballage peut accroître la notoriété de la marque et attirer les acheteurs potentiels ; et

- l'économie : chaque emballage doit simplifier le stockage, la manutention et le transport.​

Comment fabrique-t-on le papier ? De quoi avons-nous besoin pour le fabriquer ?

Le papier est fabriqué à partir de fibres de cellulose provenant de plantes et d’algues. Ce sont des ressources naturelles et renouvelables. Les fibres abondantes et renouvelables éliminent le besoin de cellulose synthétisée en laboratoire. En réalité, on peut produire du papier avec différentes matières végétales : des copeaux de bois, des rebuts de scierie, des résidus agricoles, de la paille, de l’herbe ou encore des chiffons. Il n’est pas nécessaire d’abattre une grande quantité d’arbres ou d’autres plantes. Le papier est actuellement surtout fabriqué à partir de fibres de bois, qui peuvent servir plusieurs fois.

L’industrie du papier explore activement les fibres alternatives pour réduire sa dépendance aux sources de bois traditionnelles. Ses chercheurs étudient plusieurs types de fibres non ligneuses, par exemple le bambou, le chanvre, le lin, ou encore les résidus agricoles, tels que la bagasse et la paille de blé. WvV admet que la fabrication de papier peut paraître simple, mais qu’elle est en réalité plutôt complexe en raison des importantes disparités entre les fibres de cellulose issues de diverses matières premières, telles que l’eucalyptus, le pin, la bagasse, la paille de blé et l’herbe. Ces végétaux sont capables de produire des fibres vierges. Toutefois, il est crucial de respecter certains critères opérationnels et financiers pour qu’ils soient exploitables : rentabilité, disponibilité et évolutivité, spécifications techniques et compatibilité avec la ressource principale. Vous trouverez des informations supplémentaires dans la suite de cet article. Il est important de noter que les matériaux en papier et en carton peuvent également être réutilisés. Le recyclage du papier a atteint un stade avancé, mais il reste crucial de rester vigilant quant à sa complexité et aux étapes nécessaires pour assurer un processus sans faille.

Il existe plusieurs techniques de réduction en pâte. Comment procéder ?

Le bois est principalement composé de cellulose, d’hémicellulose et de lignine. La cellulose lui confère sa résistance à la traction, l’hémicellulose relie les fibres et les chaînes de cellulose, et la lignine sert de ciment pour durcir la structure du bois. De plus, on retrouve dans cette matière première divers composés organiques, notamment des tanins, des résines, des cires, ainsi que des minéraux, qui n’interviennent pas directement dans la production de papier (Zhang et al. 2022).

La cellulose est la principale matière première du papier. C’est pourquoi le procédé de mise en pulpe (en pâte) revêt une telle importance. Selon WvV, on distingue principalement trois types de fabrication de la pulpe : chimique, mécanique et recyclée. Dans le cas de la mise en pulpe chimique, des produits chimiques et de la chaleur sont utilisés pour dissoudre la lignine et séparer les fibres. Ce procédé génère un excédent d’énergie verte qui est généralement utilisé dans la section de séchage de la machine à papier. La mise en pâte mécanique décompose les matières premières en fibres individuelles, ce qui élimine la nécessité d'utiliser des produits chimiques agressifs. Cette démarche est plus économique en matières premières et permet de produire des papiers de qualité supérieure qui conservent leur teneur naturelle en lignine. Le papier fabriqué grâce à la méthode chimique est plus résistant et moins enclin à la décoloration, puisque la lignine a été éliminée. Le processus récyclé de mise en pâte à papier implique l'utilisation de papiers et de cartons déjà utilisés, qui peuvent être désencrés par flottation en mousse, par injection de gaz ou par l'ajout de dispersants pour éliminer l'encre et d'autres substances indésirables. Cette approche constitue une source de matière première durable et respectueuse de l'environnement.

Quelle est l'ampleur de nos besoins ? Est-il possible de remplacer toutes les fibres vierges par des fibres recyclées ?

Les usines modernes sont capables de traiter efficacement de grands volumes de ressources, comme 500 000 tonnes, ce qui nécessite 60 à 100 camions par jour. Ces exigences logistiques considérables peuvent sembler impossibles pour ceux qui ne connaissent pas le secteur ; mais, en réalité, elles sont réalisables et gérables.

Les produits en papier de haute qualité, y compris le papier à lettres et le papier hygiénique haut de gamme, ont toujours été fabriqués à partir de fibres vierges, principalement issues du bois. Toutefois, compte tenu des préoccupations environnementales, on a mis en place des règlements plus stricts concernant la gestion des forêts. Par conséquent, des matériaux alternatifs, comme la paille, la bagasse ou le papier recyclé, sont maintenant considérés comme des solutions possibles. Bien que ces matériaux puissent être utilisés en remplacement des fibres vierges, ils ne peuvent pas les supplanter complètement, car le processus de recyclage entraîne une diminution de la qualité des fibres, ce qui implique l’ajout de nouvelles fibres.

Avant d’envisager l’utilisation de matériaux alternatifs, il est crucial de considérer un certain nombre de critères. Ces matériaux sont-ils disponibles en quantité suffisante ? Est-ce que les techniques et les fibres elles-mêmes sont compatibles avec le système de recyclage actuel ? Et peuvent-elles remplir les fonctions pour lesquelles elles ont été conçues ?

La disponibilité ne se limite pas à la quantité, elle englobe également la continuité

La production de papier et de carton est une activité en continu qui nécessite un approvisionnement constant en matières premières. Selon une estimation approximative, une usine de papier moyenne consomme chaque jour 1 600 tonnes de papier recyclé ou 2 900 tonnes de bois. Considérons le cas de la paille, par exemple ; elle est principalement issue du blé et est donc abondante au moment des moissons. Autrement dit, il s’agit d’une ressource dont la quantité est optimale durant une période donnée chaque année.

Même si les ressources sont abondantes, d’autres facteurs doivent être pris en compte. La capacité de stockage est-elle suffisante pour que ces fibres alternatives puissent être utilisées si nécessaire ? De plus, les fibres organiques sont biodégradables, ce qui les rend inutilisables dans le cadre des procédés de fabrication du papier. Par conséquent, il est important de prévoir un espace de stockage adéquat pour assurer la conservation et le volume.

Il est important de souligner que cette matière première est également utilisée pour d’autres applications. En effet, la paille sert de litière dans l’élevage des animaux et contribue à l’équilibre en matière organique des sols agricoles, tout en améliorant leur structure et leur biodiversité.

Dans une économie circulaire idéale, il est crucial d’utiliser les ressources qui offrent les bénéfices les plus durables, tant qu’il existe des alternatives réalisables.

Peut-on simplement changer de matières premières ?

Les papeteries sont généralement spécialisées dans la production d’une gamme spécifique de produits, tels que le papier de haute qualité, le papier d’emballage ou le papier pour magazines. Les procédés de fabrication ont été méticuleusement optimisés. Certaines usines utilisent des fibres vierges provenant de bois spécifiques, tandis que d’autres emploient des fibres issues du recyclage de papier usagé.

Comme indiqué plus tôt, le procédé de mise en pâte mécanique consiste à broyer les fibres pour les séparer. Chaque type de bois possède sa propre structure de fibres. Par conséquent, le processus de broyage est généralement adapté aux types de bois utilisés, dans le but d’éviter d’endommager les fibres et de maximiser la quantité de matière première utilisable. Contrairement à la production de papier à partir de matériaux neufs, la fabrication de papier recyclé ne nécessite pas de défibrillation mécanique. Les fibres sont simplement dissoutes dans l’eau pour obtenir une pâte homogène. Par conséquent, cette matière première n’est pas directement utilisable, à moins qu’elle ne soit vendue sous forme de pâte à papier.

En d’autres termes, l’ouverture des fibres est très spécifique et il est impossible de passer à un autre flux sans y avoir été préparé.

Ne devrions-nous pas craindre pour la sécurité alimentaire maintenant que la paille est utilisée ?

WvV et LG s’inquiètent des risques éventuels associés à l'utilisation de la paille comme matière première pour les emballages alimentaires. Il est bien connu que l’agriculture intensive utilise des pesticides pour accroître la productivité des cultures. Par conséquent, il est plausible que des résidus de ces substances chimiques subsistent dans les matériaux à base de papier et de carton, puis se retrouvent finalement dans nos assiettes. Même si les données sont encore insuffisantes, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de préoccupations à avoir.

Les pesticides sont habituellement des mélanges complexes ou des cocktails de produits chimiques, qui, même à faible dose, présentent un danger pour la santé. Il est crucial de noter que l’interaction cumulative, également connue sous le nom d’« effet cocktail », de l’exposition à des mélanges peut entraîner des conséquences négatives supérieures à la simple addition de leurs effets individuels (INRA, 2020). Dans ce contexte, il est impératif d’analyser en profondeur la migration des papiers à base de paille, car le législateur a déjà souligné l’importance pour tous les emballages alimentaires de répondre à certaines normes.

Tout matériau susceptible d’entrer en contact avec des denrées alimentaires doit satisfaire à des critères spécifiques. Cela inclut le papier, le plastique et tout autre matériau. Le règlement (CE) n° 1935/2004 sur les matériaux et objets destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires stipule que les matériaux ne doivent pas relâcher de quantités dangereuses de leurs composants dans les aliments. Selon les normes réglementaires, les composants employés pour emballer les produits alimentaires ne peuvent modifier leur saveur, leur odeur ou leur composition de manière inappropriée. De plus, les entreprises engagées dans l’emballage alimentaire doivent mettre en place un système de traçabilité des matériaux en contact avec les aliments, de la production à la distribution. Lors de la fabrication de papier et de carton, des produits chimiques sont également employés, mais dans un cadre réglementé et respectueux de la législation environnementale.

L'UE a le pouvoir d'établir des règles particulières pour des matériaux spécifiques, comme les plastiques. Après avoir mis en place ces directives, les compagnies qui emploient ces ressources devront présenter une Déclaration de Conformité. Dans cette déclaration, les sociétés devront confirmer leur respect de toutes les normes légales en vigueur et apporter des preuves de traçabilité grâce à l’étiquetage et aux relevés de la chaîne logistique.

Ne jamais dire non au progrès, mais réfléchir avant de passer à l'action

Il est crucial d’applaudir toutes les démarches visant à restreindre l’abattage des arbres et à rediriger les coproduits agricoles de qualité inférieure vers des usages plus prestigieux. Cependant, il est crucial d’analyser soigneusement ces propos.

Dans l’industrie du papier, il est impossible de substituer une fibre par une autre. La production de papier et de carton nécessite des processus de haute technologie, qui tiennent compte à la fois de la qualité et des quantités requises des matières premières de base ainsi que des produits finaux.

En outre, il est recommandé d'évaluer l'origine des fibres. En effet, les contaminants chimiques omniprésents résistent à la dégradation, ce qui entraîne des conséquences néfastes sur tous les aspects de notre existence. On peut retrouver ces substances nuisibles dans l’emballage alimentaire, puis dans notre nourriture et finalement dans notre corps. Il est donc crucial d’éviter les emballages en papier ou en carton bourrés de produits chimiques indésirables.

Références

Hagel & Schütt (2024). Reinforcement Fibre Production from Wheat Straw for Wastepaper-Based Packaging Using Steam Refining with Sodium Carbonate. Clean Technologies 6(1), 322-338

INRA (2020). The effect of a cocktail of low-dose pesticides via the diet: initial findings in animals have demonstrated metabolic disturbances. https://www.inrae.fr/en/news/effect-cocktail-low-dose-pesticides-diet-initial-findings-animals-have-demonstrated-metabolic-disturbances

Zhang et al. (2022). Comparison of lignin distribution, structure, and morphology in wheat straw and wood. Industrial Crops and Products, 187, 115432


Marleen Calcoen 28 mai 2025
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